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Saint-Pierre, Martinique : Mémoire de l’Histoire et Témoignage de l’Abolition de l’Esclavage

  • Writer: Erick Mormin
    Erick Mormin
  • Dec 28, 2024
  • 4 min read

Par Erick Mormin



Un Patrimoine Ancré dans l’Histoire

Nichée entre la mer des Caraïbes et les flancs de la Montagne Pelée, Saint-Pierre raconte une histoire poignante de la colonisation française aux Antilles. Cette ville, qui fut surnommée le « Petit Paris des Antilles », n’était pas qu’un simple comptoir colonial : elle représentait le cœur battant de la société martiniquaise du XVIIe au XIXe siècle. Son histoire est intimement liée à celle de l’esclavage et de son abolition, une histoire dont les traces sont encore visibles aujourd’hui dans ses rues et sur ses murs.


1. Saint-Pierre, Carrefour Commercial et Centre Colonial

Quand les premiers colons français s’installèrent à Saint-Pierre en 1635, ils trouvèrent un site idéal : une baie protégée des vents dominants et des terres fertiles alentour. La ville devint rapidement le principal port d’exportation des produits des plantations environnantes. Les navires négriers y débarquaient leur sinistre cargaison humaine, tandis que le sucre, le café et le cacao partaient vers l’Europe.

Les vestiges photographiés des entrepôts coloniaux, avec leurs murs massifs de pierre volcanique, témoignent de l’ampleur de ce commerce. Ces ruines impressionnantes nous rappellent que la prospérité de Saint-Pierre reposait sur un système cruel : l’exploitation d’hommes, de femmes et d’enfants réduits en esclavage. Les registres de l’époque montrent qu’en 1848, à la veille de l’abolition, plus de 80% de la population de la ville était constituée d’esclaves.


2. L’Esclavage et la Résistance à Saint-Pierre

La résistance à l’esclavage prenait des formes multiples et ingénieuses. Le marronnage, cette fuite des esclaves vers les hauteurs de la Montagne Pelée, était la forme la plus visible de cette résistance. Ces “marrons” établissaient des camps dans les zones escarpées que l’on peut encore apercevoir sur les photos de la montagne. Ils y recréaient une société libre, perpétuant leurs traditions africaines et organisant parfois des raids sur les plantations pour libérer d’autres esclaves.

Mais la résistance s’exprimait aussi au quotidien. Les esclaves développaient des stratégies subtiles : ralentissement du travail, sabotage des outils, préservation secrète de leurs langues et religions. Les documents d’époque mentionnent de nombreuses “insubordinations” qui témoignent de cette résistance permanente.

La révolte de mai 1848 marqua l’apogée de cette lutte. Sous la conduite de l’esclave Romain, dont le nom orne aujourd’hui une rue de la ville (comme le montre la plaque bleue photographiée), les esclaves de Saint-Pierre se soulevèrent. Pendant plusieurs jours, ils tinrent tête aux autorités coloniales, forçant finalement le gouverneur Rostoland à proclamer l’abolition de l’esclavage le 22 mai 1848, deux mois avant la métropole.


3. La Mémoire de l’Abolition : Un Héritage Vivant

L’abolition de l’esclavage ne signifia pas la fin immédiate des discriminations. Les nouveaux citoyens durent se battre pour faire respecter leurs droits. Les fresques murales modernes visibles sur les photos, avec leurs silhouettes stylisées levant les bras vers le ciel, symbolisent non seulement la joie de la libération mais aussi cette lutte continue pour l’égalité.

La Place de la Libération, dont la plaque commémorative rappelle la date historique du 22 mai 1848, est devenue un lieu de mémoire essentiel. Elle ne célèbre pas seulement l’abolition mais honore aussi la résistance de ceux qui, comme l’esclave Romain, ont osé se dresser contre l’injustice. Les monuments photographiés racontent cette histoire de courage et de détermination.


4. La Catastrophe de 1902 et la Reconstruction

Le destin de Saint-Pierre prit un tournant tragique le 8 mai 1902. L’éruption de la Montagne Pelée, dont la menace est encore perceptible sur les photos, anéantit la ville en quelques minutes. Une plaque commémorative photographiée rappelle comment “LE FLORISSANT VILLAGE DE SAINTE-PHILOMÈNE FUT EN QUELQUES SECONDES RASÉ PAR UNE NUÉE ARDENTE”. Cette catastrophe, qui fit près de 30 000 victimes, mit brutalement fin à l’âge d’or de Saint-Pierre.

Paradoxalement, cette destruction préserva les traces physiques de l’histoire coloniale et de l’esclavage. Les ruines, ensevelies sous les cendres puis dégagées au fil du temps, constituent aujourd’hui un témoignage unique de cette période.


5. Saint-Pierre Aujourd’hui : Gardienne de l’Histoire

La ville que montrent les photographies est un dialogue constant entre passé et présent. Le petit canal bordé de palmiers qui serpente à travers la ville suit encore le tracé colonial. Les maisons créoles aux volets bleus côtoient les vestiges des entrepôts d’esclaves. Chaque pierre, chaque rue raconte une histoire.

Les monuments commémoratifs, nombreux sur les photos, jouent un rôle crucial dans la transmission de cette mémoire. Ils rappellent que l’histoire de l’esclavage n’est pas un passé lointain mais un héritage qui continue d’influencer la société martiniquaise contemporaine.

Pour approfondir ce voyage dans le temps, je vous invite à explorer l’album photo complet de Saint-Pierre disponible sur Facebook : Album Photos Saint-Pierre. Ces images témoignent de la double identité de la ville : à la fois moderne et gardienne de la mémoire. Les clichés capturent aussi bien les vestiges historiques que les monuments commémoratifs, illustrant comment le passé et le présent s’entremêlent dans les rues de la ville.


Un Devoir de Mémoire

Saint-Pierre nous enseigne que la mémoire de l’esclavage ne doit pas se limiter au souvenir de la souffrance. C’est aussi l’histoire d’une résistance permanente, d’une lutte pour la dignité humaine et d’une victoire finale de la liberté sur l’oppression.

Les photos qui accompagnent ce reportage ne sont pas de simples illustrations. Elles sont les pages d’un livre d’histoire à ciel ouvert, nous rappelant que le passé n’est jamais vraiment passé et que la lutte pour la justice et l’égalité est un héritage toujours vivant.


Sources et Crédits Photos

Texte et photographies : Erick Mormin

Monuments et archives historiques de la ville de Saint-Pierre.

Comité Populaire de Saint-Pierre, documentation sur l’abolition de l’esclavage.

 
 
 

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